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Texte à méditer :   “La France est un vieux pays, mais elle est aussi une Nation jeune, enthousiaste, prête à libérer le meilleur d’elle-même pour peu qu’on lui montre l’horizon, et non l’étroitesse de murs clos.”   Jacques CHIRAC

La Guerre de Trente ans

Guerre0ans.jpgRemontons le temps de 350 bonnes années pour découvrir une partie de l’origine des uttwilleroises et uttwillerois. Eh oui 350 ans seulement !

A la question « quelles sont nos origines ? », nombreux d’entre nous répondrions probablement l’homme de Neandertal, les Celtes, les Alamands…
Aucune réponse n’est fausse mais réellement, qui sont nos aïeuls ? Ont-ils toujours vécu ici ?

Nous sommes en 1648, les traités de Westphalie mettent un terme à 30 années d’une guerre mal connue (les programmes scolaires ont parfois privilégié les fastes de la cour de Louis XIV au détriment des faits majeurs pour notre continent…) mais cruciale pour l’Europe et pour notre région.
Imaginez vous, trente années de guerre (les trois derniers conflits ayant touché l’Alsace font figure de « guerres express »), trente années d’enfer sur terre. Le mot enfer n’est certainement pas assez fort. Prenez deux partis de religions différentes, l’un catholique, l’autre protestant et ajoutez y les ambitions expansionnistes de certaines nations, faites participer quasiment toutes les forces du continent et des milliers de mercenaires avec pour seul et unique but personnel le pillage et le meurtre et obtenez 3 à 5 millions de morts au total et la disparition de 40 à 60% des Alsaciens.
Le comté de Hanau-Lichtenberg souffrit à plusieurs reprises des fléaux de la guerre : saccages, massacres, incendies, famines, épidémies, lors des passages successifs des troupes de Mansfeld, des Suédois, des Lorrains, ou encore des mercenaires croates à la solde du parti catholique.
Plus que 8 habitants à Bouxwiller en 1634, 3 à Printzheim, 2 à Imbsheim et Kirrwiller en 1639, plus personne à Wimmenau de 1637 à 1655, personne à Obermodern de 1637 à 1650, idem à Schalkendorf.
Uttwiller n’est pas en reste, la dime ne rapporte quasiment plus rien avant 1630 et le village est par la suite certainement très vite abandonné, les champs ne sont plus cultivés. Le 4 octobre 1641, soit 7 ans avant la fin du conflit, la comtesse de Hanau indique que la guerre, la famine et la peste ont emporté plus de 10000 âmes !

Une fois la paix signée, notre région, autrefois l’une des plus fertiles d’Europe, n’est plus qu’une friche et les derniers habitants n’avaient plus la force de défricher la brousse envahissante et reconstruire les maisons incendiées.
Au début des années 1650, le comte Frédéric Casimir de Hanau-Lichtenberg fit envoyer dans les pays voisins des annonceurs invitant les étrangers à s’installer sur son territoire sans aucun frais. Ils n’auraient qu’a choisir une maison (ou ce qu’il en restait), prendre autant de terre qu’ils seraient capable d’entretenir et ils seraient exonérés d’impôts pendant une certaine période.
La Suisse, déjà neutre lors de ce conflit, avait profité d’une croissance outrageuse pendant ces trente années.
Cependant, comme souvent, la signature de la paix amena les reconstructions qui occasionnèrent la croissance économique dans les territoires dévastés. Les habitants de ces pays pouvaient à nouveau nourrir leurs familles et les exportations Suisses s’effondrèrent. Il se produisit une baisse générale des prix et les gains réalisés ne suffirent plus à rembourser les emprunts contractés durant la période florissante.     
La Suisse entra alors dans une crise économique très grave qui impacta fortement les populations rurales. Des révoltes furent observées en 1653. Ce concours de circonstances engendra une fuite d’un nombre considérable de familles Suisses vers notre région.
Outre cette situation économique délabrée, il faut également mentionner une fuite des descendants des familles des cantons alpins du fait du droit de juveignerie (seul le plus jeune fils héritait des terres) et de la rudesse du travail. La faible part de surfaces cultivables en montagne couplée à la difficulté du travail des sols pauvres et abrupts engendrèrent un départ des montagnards vers les plaines.

Cette arrivée des Suisses dans le pays de Hanau s’est échelonnée sur une longue période s’étalant de 1653 à 1700 avec un fort ralentissement pendant la guerre de Hollande (1674-1679) qui secoua une nouvelle fois l’Alsace.
Concernant le nombre d’arrivants dans le comté de Hanau-Lichtenberg, ce dernier est difficile à donner avec précision car les registres d’époque ont pour la plupart disparus mais le nombre conséquent de 3000 personnes est envisageable.

Qu’en est-il alors d’Uttwiller ?

Le passage des mercenaires croates en 1638 a engendré la fuite d’une partie des habitants derrières les murs de Bouxwiller ou d’Ingwiller et peut être la mort des plus malchanceux.
Concernant les habitations, ont peut supposer qu’il devait en rester des éléments notables pour permettre aux nouveaux arrivants de ne pas passer leur chemin. Un descriptif du village voisin de Riedheim en 1649 nous est parvenu.
L’auteur décrit plusieurs habitations mais pour la plupart sans toiture et la destruction de nombreuses dépendances. Elément intéressant, il est rapporté que des habitants de Riedheim et d’Uttwiller ont procédé au démontage de granges (preuves manifestes de la faculté des constructions en colombage à être déplacées !) pendant la période de guerre pour les mettre à l’abri à Bouxwiller. L’autre hypothèse certainement très probable pour la résurrection d’Uttwiller est en lien avec un illustre bâtiment de notre village : l’ancienne bergerie seigneuriale.
Il est intéressant de constater que parmi les villages survivants à la guerre de trente ans, nombreux sont ceux où était installée une ferme, une bergerie ou une laiterie, on peut notamment citer outre Uttwiller : Obermodern, Imbsheim ou encore Wimmenau.
Les Suisses, encore plus ceux issus des régions alpines, étaient rodés aux travaux d’agriculture et à l’élevage du bétail d’où leur intérêt pour notre contrée.
Concernant l’identité des nouveaux arrivants, malheureusement, les registre paroissiaux d’Uttwiller et Niedersoultzbach datant d’avant 1700 ont disparu. Cela dit, des notes apportent la preuve de la présence de Suisses à Uttwiller de même un bail concernant le ban du village présente des noms Suisses.
Dans l’annexe de l’ouvrage de Walter Bodmer apparaissent trois noms pour le village d’Uttwiller : Maria ARNI décédée en 1665 (Suissesse de canton indéterminé) ; Anna BLANK mariée en 1667 originaire de Maisprach dans le canton de Bâle et Jakob CHRISTEN (devenu certainement CHRIST) marié en 1667 (canton indéterminé mais on retrouve plusieurs homonyme originaire du canton de Berne).
L’examen des registres paroissiaux aurait certainement permis de faire d’autres découvertes mais force est de constater que la liste rapportée par BODMER pour l’ensemble du comté fait apparaitre un nombre considérables de noms de familles (noms légèrement modifiés ou non) toujours présentes dans notre village et dans les villages voisins.
Voilà comment certains d’entre nous ont peut être de lointains aïeuls helvètes mais une chose est certaine, ces immigrants ont laissé des traces dans notre patrimoine local que nous découvrirons ensemble lors d’une prochaine chronique.

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François TREVISAN


Date de création : 03/08/2022 @ 16:02
Catégorie : - Histoire, art et culture
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